Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite
À peine au pied de la lettre, il faut déjà choisir entre calligraphie et puis correspondance, pour résumer un peu tout l’embarras des choix. Les gens qui ont des lettres, ou juste les attentifs, auront tout de suite vu l’ampleur de mes oublis, car des lettres il y en a autant que de cailloux qui accentuent la mer sur les plages à marées. Signes graphiques dont l’ensemble constitue un alphabet servant à transcrire une langue. Touches sur le clavier, gribouillis illisibles ou belles enluminées, elles sont la base de toutes nos communications qui se passent du son. Les mots qu’on dit tout bas ou bien qu’on dit tout haut, eux, étaient déjà là il y a longtemps déjà et bien avant la lettre, mais dessiner les mots à l’aide de caractères issus d’un alphabet, les a rendus, enfin, indifférents au temps autant qu’à la distance. On peut lire aujourd’hui des textes écrits de gens pour beaucoup décédés bien avant nos naissances ou qui résideraient au-delà des montagnes et au-delà des mers. Mais en dehors des textes destinés à tout le monde, les lettres servent aussi à écrire des lettres destinées à seulement une seule personne au monde. Maintenant lettres d’amour ou du trésor public nous arrivent par mails, boîte aux lettres virtuelles. Que ce soit sur papier ou bien sur un écran, le contenu du message restera identique, amour et puis toujours riment de ma même façon, mais ce sera ensuite une matérialité complètement différente, juste une histoire de vue, indifférence des doigts au support à tout faire lisse et impersonnel qui ne gardera pas les pliures et les taches comme des signes visibles de grandes aventures dignes des lettres de courses des pirates officiels. Peut-être plus lisibles nos écrans de maintenant que des calligraphies toujours très personnelles, mais oublier par contre les papiers parfumés et puis les jolis timbres qui faisaient voyager, les ratures, les renvois, et le penché des lignes qui en plus du message nous disait tant de choses sur la main et la tête qui traçaient pattes de mouches, amples courbes ou majuscules rageuses, qui nous disaient aussi qu’écrire et réécrire signent l’acte de naissance de tout texte réfléchi au-delà du message