Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite
Lieux communs, vieilles lunes et marronniers, poncifs, clichés, platitudes et banalités, idées reçues toutes crues en toute facilité, comme un plat préparé sans traçabilité. Sans y regarder de trop près, on pourrait faire l’autruche et ne plus y penser, penser juste au commun et se dire que c’est mieux, si on veut se comprendre d’utiliser les mots que les autres utilisent : c’est une lapalissade. Quelques tautologies, des fadaises réchauffées comme entrée en matière, pour faire socle commun ça paraît alléchant, mais encore faudrait-il, passé un certain point, quand même aller plus loin, trouver un lieu qui soit, quoiqu’encore lieu commun dans son vocabulaire, un peu nouveau pour tous. Quittons juste un moment, les bistrots, les troquets et la place du marché, lieux communs d’évidence. Partir loin du commun vers un lieu solitaire, sans aller jusqu’au large, aux eaux territoriales, aux déserts jaunes ou blancs, juste à côté de chez soi, même un square, même un parc ou un jardin public, un lieu frais sous les arbres, juste après un orage, les feuilles auraient encore des gouttes aux oreilles et des brillants aux branches, on se perdrait dans le vert, le foncé d’une forêt, le froufrou d’un grand lac caressé par le vent, lieu commun aux rêveries, clin d’œil aux romantiques. Partir d’un lieu commun et s’en aller ailleurs, les mots de tous les jours, les regarder vraiment, les entendre autrement avec notre entendement, aller chercher leur sens, caché ou usuel, commun ou littéral, strict ou métaphorique et s’en saisir pleinement, et quitter le lieu dit, lui faire dire autre chose que ce qu’on entend chez lui. Surtout se dépêcher d’aller aux dictionnaires, aux étals des libraires et aux bibliothèques, en faire lieux plus communs de ces lieux de lecture, y regarder de près, car le temps, l’assassin, qui fait tomber les feuilles dès l’automne revenu, transforme les lieux nouveaux si vite en lieux communs qu’il s’agit de chanter tant que l’été est là, on verra cet hiver pour danser s’il le faut quoiqu’en dise la morale de nos fables communes