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À voix haute

Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite

La voix. Son produit par la bouche et résultant de la vibration de la glotte sous la pression de l’air expiré. Des mots posés à plat sur le plan de la page, passer par la voix haute, occuper tout l’espace en le faisant vibrer, donner au texte lu une autre dimension, lui faire prendre les airs, décoller, s’envoler, et de bouche à oreille, toucher, peut-être changer la vie d’autres vivants. Avancer mot à mot comme on lit pas à pas, au rythme des syllabes comme le son du tambour dans les cérémonies et se laisser bercer, dorloter par les mots comme on écouterait le doux murmure des vagues, l’oreille au coquillage et le regard au loin. Alors, donner de la voix aux mots qui n’en ont pas, être la voix des livres pour qu’un unique lecteur puisse proposer les phrases à toutes les oreilles, là, à portée de voix. Alors en plus du texte on aura la musique, le rythme et le mouvement déposés sur la page par l’autrice ou l’auteur attentive, attentif à faire vivre les mots bien au-delà d’eux-mêmes. Échos, rimes, assonances, voire allitérations, tous les moyens sont bons pour prendre le lecteur dans les filets du verbe, l’ensorceler, l’amener à cheminer sans faute d’un paragraphe à l’autre d’un chapitre à un autre, jusqu’à ce que fin se lise ou seulement se devine dans une voix qui tombe, un silence encore plein du piano de la phrase. En lisant à voix haute, on fait vivre le texte au-delà du texte lui-même, lire et un peu jouer des ressorts de la voix, des ressorts de son corps, souligner de la main la pensée qui s’étire, laisser le temps aux oreilles de construire pour elles-mêmes le paysage lu, la scène imaginée, la joie du personnage ou son grand désespoir. Les mimiques, les regards, les pauses bien placées, le rythme des syllabes qui donne vie au suspense et précipitation à la séquence d’action fera battre les cœurs et sourire les oreilles, pleurer ceux qui écoutent juste comme l’espérait qui a écrit le texte en y mettant le ton. Alors aucun moyen de dire comme Racine, tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire, quand le texte est bien né et lu par une voix mise haute à son service

Conte

Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite

Il était une fois la brume épaisse et lente qui m’a emmenée là, vers ce mot jamais fade, si violent et si doux, ce joli mot de conte. Un conte. Privé de tout contexte le son est ambiguë. Compte, résultat d’un calcul, énumération, dénombrement, ou comte, haut féodal, dignitaire, noble par titre. Ici sera plutôt conte celui que l’on raconte, qu’on écoute, qu’on retient, souvenir, fondation, que les grands trop souvent réservent aux enfants.
Il était une fois comme un pas de côté, dans un tout autre monde que celui des journaux dans ce qui sera juste un peu plus fantastique, un petit peu moins réel. Le conte a bien sa place autant que la grande histoire pour expliquer le monde en images, en légendes, sagas, mythes ou bien fables, pour dire mêmement les peurs, les fondements, les valeurs qui rassemblent et les grandes importances, ce qui va réunir les êtres humains ensemble beaucoup mieux qu’un passeport, une couleur sur une carte ou un nom de tribu, de pays, d’origine. Contes des premiers temps quand fut créé le monde, rennes, ours, lichen et cendres et le son du tambour, ou bien l’aigle, la rivière, les lucioles, le hibou, le jaguar, la tortue qui raconte et la lune si claire à qui l’on peut parler sans se brûler les yeux ou le long nuage blanc que l’on voit de si loin. Contes de quand la nature avait toute l’importance qu’elle pourrait retrouver si on les entendait, ces contes des gens sages qui vivent le dehors jusqu’au dedans d’eux-mêmes, au centre de ces histoires qui nous disent les pensées, les chimères, les confiances comme elles disent le sensible, sans faire de distinction entre l’homme et la bête.
Il était une fois, un lieu comme un moment avec place pour le rêve, non pas juste à côté, mais bien là, juste au centre. Place pour tous les rêves, les beaux et les cauchemars, pas juste du tout rose, parce que dans les contes, on dévore et on tue, on disparait aussi, tout comme dans la vraie vie.
Il était une fois la vie des livres, tout comme la vie en vrai sans le vrai de la vie qui nous fait mélanger toutes les importances, une vie où le dehors serait nos pères et mères que l’on écouterait comme on écoute un conte

Pour vous laisser conter quelques contes, entre autres, c’est chez Laurent Peyronnet

Iris

Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite

Un muscle pour ouvrir, un muscle pour fermer et un accord parfait entre ces opposés. Pour dehors on aura une jolie couleur qui sert à faire joli et à attirer l’œil d’un autre humain que soi. Notre œil est un diaphragme, une émouvante entrée dans nos têtes, nos pensées, certains diront nos âmes. Laisser la porte ouverte pour admettre la lumière, ses couleurs, ses contrastes, laisser venir le monde jusqu’à notre intérieur, le déposer doucement sur l’attentive rétine, doser avec grand art, mais sans exagérer, juste ce qu’il faut pour voir, précis conforme et net, pour distinguer les choses, déchiffrer tant le qui que le quoi ou le où, aller jusqu’au détail, aux fins grains de pollen, aux aguichants pistils, à la forme affinée par toute l’évolution, fragile et ingénieuse. S’ouvrir et se fermer, quand la pluie viendrait faire menace au velouté, à la douceur sereine, du pétale, du pollen, savoir se préserver, refermer les paupières quand le vent est trop fort et risque d’abimer le fragile intérieur, compromettre l’image et ses irisations, sa nacre, sa rutilance, sa couleur si moelleuse, son duvet à peine né. Quand on parle d’iris, ne voir que la couleur est bien trop réducteur, c’est oublier bien vite les formes et les valeurs, le grain et la netteté qui invitent les fractales dans les plumes de l’oiseau, des deltas infinis dans les feuilles des arbres, des chaînes de montagnes dans un pétale soyeux regardé de tout près. Ne voir que la couleur en parlant de l’iris serait se contenter de la couverture du livre, l’image et puis le titre, le résumé derrière et le dos qu’on lirait en se penchant un peu, mais sans aller plus loin, sans feuilleter ni lire, ne pas plonger tout droit dans le vif du sujet, dans l’ouverture laissée par les muscles qui ferment et les muscles qui ouvrent, dans ce qui fait histoire et dit les sentiments, émotions du moment, la couleur de nos yeux, œil noir et pensées sombres, ou regard lumineux bousculé dans ses coins par un sourire immense. Tout ce qu’on trouvera à l’intérieur du livre si on ose prendre la peine de plonger en son sein les deux yeux bien ouverts autant que les idées

20230830

"De temps en temps", ça commence par la météo, et ça continue avec ce qui vient en tirant sur le fil

Variable. Temps frais (+4/+8 vers 1000 mètres à l’aube) mais bien ensoleillé le matin avec de petits résidus nuageux à moyenne-altitude, surtout le long des Préalpes. Ils évoluent en nombreux cumulus sur les massifs dès la fin de matinée. Les conditions sont alors mitigées en montagne l’après-midi avec de petites averses possibles (surtout en Nord-Savoie et Haute-Savoie) mais des éclaircies résistent, notamment en Haute-Maurienne. En plaine il continue de faire beau l’après-midi.
Températures minimales comprises entre +7 et +10 degrés.
Températures maximales comprises entre +21 et +24 degrés.
Isotherme 0° vers 2500 puis 2800 mètres.
Vent faible à localement modéré de Nord.
Prévisions Météo Alpes

Variable. Comme la montagne, là, juste devant la fenêtre. Des taches de lumière claires qui se promènent au vent et puis main dans la main avec les nuages sombres. Bien d’autres taches aussi sur la forêt d’en face. Les couleurs de l’automne, les couleurs d’autres arbres qui ont d’autres pelages, les couleurs du grand âge, ou les couleurs du sec, celles de la maladie ou de la sale bestiole qui fait les arbres sans feuilles, alors qu’en cette saison on a encore du vert pour dire si les branches nues ont perdu leur habits pour cause de saison ou pour cause de décès. Suivant le nom des arbres, et leur hérédité, le tableau sera variable, vert foncé ou vert clair, du beige jusqu’au brun, du jaune, du presque rouge et tout les orangés rangés entre les deux. Les bleus seront pour le ciel ou bien pour les reflets. Si on regarde bien, on a toutes les nuances et même toutes les teintes qui changent suivant le jour, jusqu’au noir de la nuit. Variables aussi les ombres, l’endroit d’où l’on regarde et puis ce qu’on regarde. Sans oublier bien sur, le comment on regarde, la pente dans son ensemble ou un lieu bien précis, on verra autre chose, une forêt ou un arbre, ou bien tout un bosquet, une lisière ou une coupe. Comme on peut lire un livre en ne lisant que l’histoire ou bien tout autre chose, de la longueur des phrases à la ponctuation ou au vocabulaire, pour une lecture variable toute comblée de variantes

Lisez-leur des histoires !

En passant, petites images glanées au gré d'ici ou là.
Bibliothèque Nationale de France, site Richelieu, Paris, juin 2023

Ils sont assis l’un très près de l’autre sur un canapé rouge, un des sièges disponibles dans la grande salle ovale, Bibliothèque Nationale de France, site Richelieu, Paris. Livres rares, livres en nombres, classiques, historiques, de partout, mais aussi livres pour tous. En entrant, sur la droite, albums illustrés. « 2 à 6 ans » dit l’étiquette collée sur les bacs à côté des fauteuils. Eux ont plus de six ans. Cheveux brun-gris pour lui, cheveux blond-gris pour elle, têtes penchées l’une vers l’autre. Elle a calé son épaule à elle sous son épaule à lui, il l’entoure de son bras. Ils ont choisi un album et le lisent à deux. Le livre est grand ouvert sur leurs quatre genoux. On pourrait presque lire l’histoire sur leurs visages. Surprise, étonnement, amusement, tristesse, angoisse et soulagement. Ils gardent pourtant tous deux le regard sur les pages, concentrés sur les mots comme sur les images, absorbés, captivés. Même sans savoir le titre, on sait tout de l’intrigue à chaque nouvelle page, front plissé d’inquiétude quand ça se corse un peu, ou bien soulagement pour une solution proche, un très léger sourire quand c’est attendrissant ou quatre belles fossettes quand c’est plus rigolo. Retourner en enfance, pensées pour un petit nouveau dans la famille, ils étaient juste beaux du bonheur de l’histoire, de ces histoires écrites pour les petits enfants, des histoires souvent simples, pas pour autant simplettes quand on y regarde mieux et qui embarquent encore quand on ne se retranche pas, barricadé derrière des barrières qui nous privent des délices des histoires, quelle que soit l’étiquette