Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite
Être au sec quand il pleut, être au chaud quand il gèle, être au calme quand il vente. Habiter la montagne ou le bord de la mer ou bien à la campagne ou encore dans la ville. Un toit et quatre murs, habiter en humain dans nos douces habitudes. D’autres habitent autrement. La plupart des autres bêtes qui vivent avec nous sur la peau de la terre, tout comme dans l’eau des mers, n’habitent pas du tout. Pour beaucoup ils occupent un morceau de savane, un creux dans le récif ou un bout de forêt sans jamais rien construire ou alors juste un nid pour faire naître et élever les petits rejetons qui complèteront l’espèce. Habiter dans un nid n’est pas toujours si simple, d’abord creuser le nid pour ceux qui sont des pics, ce sera dans un arbre que d’autres diraient mort, le creuser dans la terre quand on est macareux et qu’on veut habiter avec la vue sur mer tout en haut d’une falaise. Tous les nids ne se creusent pas, pour bien d’autres espèces, il faudra le construire, le bâtir, le tisser, le refaire tous les ans, l’arranger tous les ans, en changer tous les ans ou comme le coucou, aller pondre ses œufs dans le nid de quelqu’un d’autre. Car le nid des oiseaux, c’est juste une histoire d’œufs, une histoire de petits et le reste du temps, ils vivent au fil de l’eau, comme l’oiseau sur la branche, ils n’habitent pas vraiment, dorment à la belle étoile, que le temps soit clair ou non, un peu comme le nomade n’habite que ses habits, juste ce qu’il peut porter, en plus de ses idées, ses souvenirs, ses pensées qui ne le quittent pas. Habiter une idée, être habité par elle, lui faire une place de choix au milieu de sa tête, au cœur de ce qu’on voit, ce qu’on sent, ce qu’on goûte, qu’on touche et qu’on entend, de ce qu’on imagine, une cabane dans les bois d’où l’on part juste pour voir, où on revient chaque soir se blottir loin du noir, obsession comme un gaz qui prendrait toute la place sans jamais renoncer à la moindre parcelle de nos têtes, de nos mots, c’est comme quand on écrit, habiter dans son texte, être habitée par lui