Archives par mot-clé : genre

Marmotte

Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite

C’est la reine des alpages, pelage beige, gris, brun sombre, petites oreilles, yeux noirs, et museau expressif, silhouette replète à la fin de l’été, curieuse et facétieuse, elle nous plait beaucoup trop, qualité dommageable pour sa tranquillité, mais aussi sa santé et son identité. On l’utilise partout pour des publicités, pour l’image qu’on s’en fait, pour ses deux petites mains qui tiennent les aliments qu’elle grignote à belles dents et qui nous ramènent loin, bien avant les cuillères, quand, encore tout bébés, mordiller les objets nous était naturel. C’était les temps anciens où on était marmot. Marmot, marmotte, masculin, féminin, analogie trompeuse, quelques liens en commun, mais pas tant qu’on croirait. Un marmot c’est aussi, côté architecture, une figure grotesque qui fait décoration, et en particulier, pour les heurtoirs de porte. De la figure grotesque jusqu’au petit enfant, on comprend le glissement en y ajoutant juste ce qu’il faut d’ironie, évitant par là même le trop mièvre du poupon. Reste la question du genre, marmot pouvait servir même pour les petites filles, avant que le binaire ne fasse obligation, dictature génétique bien éloignée parfois du ressenti de chacun. Le marmot ferait office du neutre du mot allemand, qui assume avec Kind, un genre qui laisse la place à plus de réflexion et offre à sa grammaire une solution médiane, une place au débat, aux opinions pesées, qui admet la virgule entre zéro et un. On pourra marmonner que les lois grammaticales sont dures, mais sont les lois, mais qui écrit, parfois, se retrouve confronté à des cas délicats où on aimerait avoir plus de cas, plus de choix, des mots plus adaptés à ce que l’on veut dire, à la façon de le dire quand manque la nuance, le ton, la demi-teinte. Alors comme la marmotte qui mâchouille son brin d’herbe, on mâchouille nos mots, mais reste quand même parfois un petit goût amer qui n’aurait pas pris place au milieu de nos phrases si les règles de grammaire avaient suivi de plus près l’évolution des temps