Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite
C’est l’automne. Nos nuits sont plus longues que nos jours. Toutes les couleurs chaudes se déposent sur les feuilles jusqu’à les alourdir des chaleurs de l’été, jusqu’à les faire chuter sous le poids de leur vie. Bientôt les arbres seront bois, apprêtés pour l’hiver. Un peu de nostalgie chez l’humain qui s’habille quand la forêt se dénude, en ces temps frais d’octobre quand toutes les teintes chaudes nous annoncent les airs froids. Les couleurs de l’automne sont aussi celles du feu qui viendra réchauffer les mains tendues vers lui, réconfort bienfaisant quand la nuit vient trop vite. Le feu qui s’occupera de ce qu’on met dans la poêle, de châtaignes ou de pommes pour en faire des repas comme on faisait avant. L’automne c’est la saison où on sort le panier, le couteau recourbé et le bâton gratouilleur : on va aux champignons. On mettra une bonne veste et des chaussures solides. Aller aux champignons n’est pas juste une balade, car ils poussent rarement au milieu des chemins, alors il faut fureter, aller s’entortiller dans les arbres tombés et les pentes un peu raides, déraper sur l’humide. Le nez au ras du sol et le dos tout courbé, on se dit que l’évolution, dans le cas des champignons, aurait quand même mieux fait de nous laisser à quatre pattes. Il y a les ombrelles jaunes, chapeaux pâles ou bien sombres, les brillants et les mats ou encore ces trompettes qui ont ma préférence, qu’on reconnait à leur forme et à leur velours sombre. Aller aux champignons c’est s’occuper de l’espace d’une façon différente, loin des chemins ou seulement en guise de repère ou pour faire le retour quand la lumière s’échappe et que le soir s’installe. Même sans regarder l’heure on pensera à rentrer, ce serait notre côté feuille, sensible à la lumière, peut-être la chlorophylle bien cachée dans nos têtes, ou le nitrate d’argent des photos noir et blanc, ou juste les pages du livre qu’il nous tarde de retrouver, car l’automne laisse le temps, avec ses nuits plus longues, pour des lectures plus longues, pour ne pas laisser longtemps nos pensées sans leurs feuilles, indispensables feuilles, que ce soient celles des arbres ou bien celles des livres