Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite
Une goutte comme un o ce serait quand même trop simple, alors l’eau a trois lettres pour faire le seul son o. Pour qu’on reconnaisse enfin, sa si grande valeur, son importance première. Cette eau qui est en nous, qu’on aime autour de nous, condition nécessaire et souvent suffisante. On aime le bruit de l’eau, goutte à goutte sur la mousse là-haut dans la montagne, torrent qui batifole, sautille entre les pierres et se joue des branches d’arbre qui tombent dans son lit, les embarque, joueuse, dans une folle sarabande. On aime tremper ses pieds dans l’eau fraîche du ruisseau après une belle balade, juste y tremper la main comme on enfile un gant quand le froid nous saisi et saisit une à une chacune de nos phalanges, chaque jointure une à une pour les habiller de bulles comme d’autant de brillants. On aime aussi les vagues, s’y plonger en entier, y faire le papillon ou au moins essayer, bien loin des nages subtiles et tellement efficaces des animaux marins. On aime humer l’eau, la goûter, juste la boire quand elle n’a pas d’odeur, un subtil goût de frais loin du nauséabond ou même de l’eau de javel. L’eau, la plupart du temps laisse passer nos regards en les déviant à peine, mais parfois elle se fige en une surface rebelle qui va tout renvoyer, y compris la lumière et renvoyer l’image telle qu’elle l’aura reçue, à une symétrie près. Magie de sa surface qui accepte, dans un plouf, qui lui tombe dans les bras, sauf bien sûr ce qui flotte, le léger ou le creux, nos radeaux, nos bateaux. C’est bien ça son problème, elle est trop accueillante. Malgré tout ce qu’on lui jette que ce soit bon ou non pour sa santé à elle, elle nous prend sur son dos, il suffit simplement de quelques lettres en plus, pour qu’à partir de l’eau on construise un bateau. Pour déclarer nos flammes, à l’eau, même la plus simple, sans qu’elle soit de jouvence ou claire comme de l’eau de roche, il nous faudrait des meauts et pas seulement des mots, pour dire qu’encore pendant longtemps, disons une bonne poignée de longues éternités, on souhaite vivement qu’elle continue toujours à juste couler de source sous tous les ponts du monde