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Chut !

Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite

Chut n’a rapport au silence, comme un impératif, une incitation forte, un doigt juste sous le nez, que quand trône fort et fier, juste derrière le mot, un point d’exclamation. Sans ce i à l’envers, on n’est pas dans le calme, dans l’écoute de l’autour, dans l’attention au reste qui ne serait pas nous, on est dans le passé simple du joli verbe choir, qui nous ramène à chute, avec un e au bout. Un e qui ne dit pas le féminin de chut !, mais l’action de tomber. Pas tomber amoureux, mais s’étaler, valdinguer, se ramasser, prendre une pelle, une bûche, une gamelle, suivre, mais bien contre son gré « le mouvement vertical d’un corps se rapprochant du centre de la Terre sous l’effet de la loi de la pesanteur ». La chute de la pomme, l’étincelle de Newton, n’a souvent rien à voir avec l’idée de silence. La chute d’eau qui bouillonne qui rugit en torrent, qui transforme une nappe d’eau en gouttelettes, en écume, en brouillard, en cascade, c’est juste assourdissant, on n’entend plus que ça, on ne sent plus que ça, par les yeux, les oreilles, brume comme un lourd manteau sur le corps tout entier et l’odeur de l’humide qui emplit les narines. Chute des cheveux, chute de pierres, chute des feuilles en automne, toutes les chutes n’auront pas le même rapport au temps, au silence, au boucan, mais toutes ont en commun une attraction commune vers quelque chose de stable, loin de l’équilibre précaire des choses qui tiennent en l’air on ne sait pas trop comment. Histoire en équilibre où nous emmène l’auteur qui nous tient en haleine par des rebondissements, retours dans le passé ou autres coups de théâtre, pour nous amener enfin tout tremblants et pantelants de chapitre en chapitre et puis de page en page, voir de mot en syllabe, vers la chute de l’histoire, celle qui nous laisse à terre, comblés de mots, de lettres et de ces émotions qui nous pousseront toujours à reprendre un bouquin, à l’ouvrir tout fébrile, et à suivre l’auteur dans l’histoire qu’il nous offre pour le plaisir final, le plaisir de la chute