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Texture

Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite

Granuleux, fibreux, lisse, râpeux, piquant, doux, rugueux, humide, soyeux, velouté, cireux, gras, sec, visqueux, collant, les mots de la texture nous parlent du bout des doigts dans le creux de l’oreille. Suivre les veines du bois, imaginer sa vie, les sécheresses et les pluies ou la cire deux fois l’an et compter les anneaux qui racontent sa vie. Au départ la texture s’occupait du tissu, du tissage et des fils, de leur disposition, de leurs entrecroisements. Et puis comme d’habitude pour beaucoup de nos mots, l’usage s’est étendu. Pour tâter de la texture, rien ne vaudra les doigts, leur peau pleine d’attention saura lire sans faiblir les adjectifs écrits tout en haut de cette page, même si le rêche des jours et des travaux râpeux lui font une carapace. Les yeux aussi pourront questionner la texture, dire là où ils regardent et la façon ensuite de la rendre en dessin, à plat sombres, pointillés, lignes courbes ondulantes, gribouillis erratiques ou traits serrés au chaud, doux comme une fourrure, points pour dire le piquant ou lames pour le coupant, douces ondulations pour la campagne tranquille, lignes droites toutes en angles pour les immeubles des villes et puis un peu partout suivre les veines du bois. Et puis de tous nos sens reste le sens littéraire, dans texture il y a texte pour dire granuleux, fibreux, lisse, râpeux, piquant, doux, rugueux, humide, soyeux, velouté, cireux, gras, sec, visqueux, collant, sans besoin de toucher, sans lumière et sans ombre, simplement grâce aux mots. Alors reste la question de la texture du texte, de son style, de sa forme, en bloc ou paragraphe, lignes désalignées, caractères bien choisis, en forme, en taille, en graisse et en ponctuation, même écrit dans une langue qu’on ne connaîtrait pas, il serait harmonieux à l’œil qui le toucherait. Mais reste l’essentiel, la texture du dedans, que le rugissement des mots, leurs cris, leurs calmes tendres ou leurs émerveillements ne contredisent pas la belle présentation et le papier bouffant. Pourvu que la texture que l’on voit au-dehors fasse sens et réponse à la texture des mots, la texture des échos qui resteront toujours gravés dans nos mémoires

Bois

Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite

Rien de l’impératif ne coule dans ce bois-là. Pas de liquide ici, mais plutôt du solide, du bois de promenons-nous, de la petite forêt, du bois au doux dessous garni de feuilles mortes. Du bois tout d’abord vert, feuillu, un peu espiègle, grand échalas tout fin, avide de lumière qui file vers les hauteurs. Il deviendra grand sage, imposant et robuste, vieux savant philosophe, érudit et nourrit des relations nouées avec les autres êtres vivants aux alentours, champignons, plantes diverses et bestioles en tous genres. Parfois, suivant le plan de coupe, il deviendra juste bois, du bois en tant que matière, du bois pour la sculpture, les meubles ou la charpente. Ou du bois à brûler. De la pâte à papier. Le regretter ou pas, la question n’est pas là et la réponse non plus, même si j’aurais aimé pouvoir un peu aider, moi qui aime tant les bois. De bois, pas l’un sans l’autre, mais seulement dans un sens, depuis le bois plein de sève jusqu’au bois serré sec. Alors pour commencer, penser au bois sur pied, pour les arbres plus grands que soi, promenons-nous dans les bois, lauriers coupés ou pas, allons encore au bois, gratter nos peurs d’enfants, nos idées d’autres fois, nos trop classiques des contes, sur l’écorce des grands hêtres, châtaigniers, peupliers, tous dignes templiers. Au bois, on va chercher tout ça, dans le petit bois de Saint-Amand, la grande forêt de Sherwood, ou bien à Brocéliande, toujours du plus grand que soi, du géant pacifique qui protège de son ombre, au géant querelleur qui tourmente de son ombre. Auprès de mon arbre, on apprendra tout ça et puis bien plus encore, de ces géants qui poussent sans jamais demander rien, qui poussent un peu à droite ou bien un peu à gauche quand ils sont empêchés, qui vivent, eux, pour de bon, d’amour et d’eau de pluie, même quand l’amour est loin. Alors aimer le bois jusqu’à aimer le papier, pouvoir boire les paroles des écrivains d’avant, voire d’il y a très longtemps, aimer le bois du fauteuil où on s’installe pour lire, aimer le papier pâle ou pousseront les phrases qui font naître les textes, tout ça ne serait pas si le papier n’était pas, si le bois n’était pas