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Tête en l’air

Nuages ou les yeux dans les cieux, pour préciser qu’ici on parlera de nuages, de ce qu’ils nous envoient, de ce qu’ils nous renvoient. Aussi de temps en temps, un peu d’Alfred Stieglitz, au fil des découvertes, parce que ses photos m’ont poussée jusqu’aux mots à regarder là haut 
Alfred Stieglitz, 1926

Être tête en l’air, c’est pour les étourdies, les étourdis, les distraites, les distraits, les rêveuses, les rêveurs, les absents, les absentes d’ici et de maintenant. Les artistes. C’est un vilain défaut, à l’école, au travail et pour tous les humains attelés aux choses sérieuses. Pourtant, être tête en l’air est bien le seul moyen d’observer les nuages. D’observer les nuages et de les photographier.
Être tête en l’air, c’est ce qu’a fait, très sérieusement, avec constance, un grand sérieux et une application sans faille, Alfred Stieglitz entre 1922 et 1935 pour ses séries Songs, puis Equivalent ou Equivalents, série dont est issue la photo ci-dessus. Il voulait qu’on regarde la photo comme un art et pas seulement une façon relativement fidèle de copier le réel. Il y avait déjà l’émotion des visages dont il faisait le portrait, l’émotion des scènes de vie à New York ou ailleurs, alors juste rajouter toutes les émotions de l’autre côté de l’appareil, de l’autre côté du tirage, celles du photographe et puis de qui regarde les images exposées. Une émotion photographique qu’il voulait rapprocher de celle de la musique, d’où le nom de sa première série de nuages, Songs.
Nuages, émotions, photos, une invitation à se faire tête en l’air, à offrir son visage à l’air, à la pluie, au vent, à la neige, à y regarder de près dans ce dehors si haut, à y déposer, par les mots, et les phrases, un peu de son dedans.
Être tête en l’air, on ne le fait pas souvent, regarder droit devant et les yeux dans les yeux plutôt que dans les cieux, regarde donc ce que tu fais ! Quand les yeux aident les mains, le travail ou l’étude, l’endroit où les pieds se posent, ou les yeux occupés par les mots du papier, les images de l’écran. Et tant d’autres distractions qui nous éloignent toujours de notre être nuageux.
Être tête en l’air, parce que chez les humains, on ne rigole jamais quand on parle de la tête. Siège de ce qui nous fait nous, le visage tout d’abord, nez, bouche, oreilles et yeux, tout ce qui nous permet de recevoir au mieux les signaux du dehors. Sans oublier le toucher, par la peau du visage. C’est elle qui sera sensible aux paroles du vent, tant murmures que tempêtes, humidité aussi brouillard, brume ou bien pluie. Ne pas oublier la neige, gouttes à retardement, flocons qui deviennent eau en dispensant leur froid.
Alors, très sérieusement, se faire tête en l’air, pour voir ce qu’on peut voir dans l’air et ses nuages, quand on y regarde mieux, comme le faisait si bien il y a maintenant un siècle, l’artiste Alfred Stieglitz