Archives de catégorie : En images

Challenge Kenya – Jour 22/30

Challenge Kenya : une image / un texte tous les jours pendant 30 jours

Troncs, branches, feuilles, quelques taches de ciel, des ombres, de la pénombre. D’elle on ne distingue que peu de choses. Quelques doigts et un poignet, on devine une autre patte. Des narines finement dessinées, une oreille marquée d’une encoche en delta au sommet de sa courbe, une tache au-dessus du sourcil, un oiseau stylisé qui s’envole vers le ciel. Deux yeux d’un jaune très doux qui s’allonge dans le vert. Et un regard.

Ici se termine la description. Le regard de Romy, se reconnait, il ne se décrit pas. Regard unique par les émotions, les souvenirs, les sensations et les sentiments qu’on lui prête et qu’il nous renvoie.

Correspondances.

Photo : Régis Derimay

Challenge Kenya – Jour 21/30

Challenge Kenya : une image / un texte tous les jours pendant 30 jours

Le jour se lève doucement. Non loin du point d’eau où elles viennent s’abreuver, les girafes ne sont encore que des silhouettes au milieu des herbes. Bientôt la lumière viendra dessiner de plus en plus nettement les taches de leur robe et la longue touffe de poils noirs qui complète leur queue jusqu’à faire d’elles des girafes Masaï. Motifs sombres sur leur pelage clair, délicatement découpés, cartes au trésor avec baies, caps et péninsules, les îles qui l’habillent font penser à des feuilles, quand leur grand cou, leurs longues pattes et leur port élancé pourrait être ceux d’un arbre. Silhouette fine, robe travaillée, mouvements souples et déliés, la girafe Masaï est d’une rare élégance, une élégance végétale.

Photo : Régis Derimay

Challenge Kenya – Jour 20/30

Challenge Kenya : une image / un texte tous les jours pendant 30 jours

De loin, sur une image figée, l’œil distrait pourrait ne voir qu’une comptine d’enfant. Une promenade dans les bois. Mais sous le couvert, entre les feuilles et les herbes, il n’est pas question d’enfantillages. Romy est en chasse. Dans la forêt elle est chez elle. Cette façon de prolonger la nuit en profitant des ombres, en présageant des silhouettes qu’on entrevoit à peine, en profitant d’un souffle d’air qui brouille les pistes et affole les narines. Cette démarche souple, les griffes camouflées de ses larges pattes qui bâillonnent les bruits, son corps svelte et puissant qui ondoie sous les branches. Cette acuité dans le regard, son attention au moindre son, craquement, frottement, bruissement, murmure. Tout. Tout chez Romy est menace mortelle pour la proie potentielle.

Photo : Régis Derimay

Challenge Kenya – Jour 18/30

Challenge Kenya : une image / un texte tous les jours pendant 30 jours

Sobre et discret, il se laisse oublier et il l’accueille. Hôte attentif, il veille à la mettre en valeur, il donne juste le ton, indique le style et reste en retrait. Il aide l’œil à se concentrer, le guide, l’amène où palpite le cœur de la scène. Un cadre en bois pour souligner le naturel, la distinction, la majesté de la célèbre féline. De couleur plus sombre pour faire ressortir la lumière et ses reflets, son jeu sur la robe de la belle, l’arbre s’efface tout en lui faisant la meilleure place entre ses branches. Et enfin, jusqu’au bout du raffinement, le « Y » de ses bras fait résonner son nom, Romy, dont on étire la finale dans l’espoir, un peu fou, de rendre éternelle l’apparition.

Photo : Régis Derimay

Challenge Kenya – Jour 17/30

Challenge Kenya : une image / un texte tous les jours pendant 30 jours

Elle est jeune encore. Robuste et fière. La pluie de la nuit fait étinceler sa peau délicate, la lumière s’y reflète pour en souligner les plis, le relief, les crêtes et les vallées. Elle a des oreilles finement dessinées, sans déchirures ni accrocs. Des oreilles qui alertent, qu’elle déploie pour demander aux importuns de s’éloigner. Délicatement d’abord, comme elle remettrait du bout de la trompe son marmot qui s’éloigne sous la protection du troupeau. Une force tranquille, maternelle, capable aussi bien de laisser son rejeton lui courir entre les pattes que de piétiner jusqu’à l’anéantir celui qui le menacerait. Éléphante et mère, elle défend son petit comme elle incarne son espèce, avec l’élégance et le panache qu’on accorde aux batailles qu’on n’est pas assurés de gagner mais qu’il est impensable de perdre.

Photo : Régis Derimay

Challenge Kenya – Jour 16/30

Challenge Kenya : une image / un texte tous les jours pendant 30 jours

Le buste droit, les pattes juste un peu décalées pour que la lumière leur donne vie, appuyée sur le bout des doigts pour mettre en avant la souplesse et le délié des poignets, elle est habillée sobrement de son plus beau manteau de fourrure, collier de perles autour du cou, maquillage discret. Seul un mince trait noir pour souligner l’intensité de son regard. Romy est belle, naturellement. Elle a choisi un piédestal parfait, sombre pour faire davantage ressortir les motifs de sa robe, la lumière est raffinée et accentue avec une exquise délicatesse la perfection de sa silhouette élancée. Elle pose. Tout son être est au service de son image.

Cléopâtre parée pour recevoir son empereur.

Et en faire son vassal.

Photo : Régis Derimay

Challenge Kenya – Jour 15/30

Challenge Kenya : une image / un texte tous les jours pendant 30 jours

Le jour va bientôt prendre la place de la nuit. Il vient tout juste de commencer à reconstruire le monde. Son esprit est là, tout entier dans ses lumières. Couleurs chaudes, enflammées, exaltantes. Avant de se pencher en détail sur les choses et les êtres, il les esquisse à gros traits, au feutre noir, ne soulignant que les contours. Les branches nues d’un arbre isolé s’accrochent aux volutes des nuages. Deux grues majestueuses trônent sur ce promontoire, les plus beaux fruits de l’arbre, silhouettes graciles, têtes couronnées de rayons. Elles saluent le soleil qui se lève. Spectacle et spectatrices. La journée va commencer.

Photo : Régis Derimay

Challenge Kenya – Jour 14/30

Challenge Kenya : une image / un texte tous les jours pendant 30 jours

Une charogne

 

Bien loin des vers fameux, les scènes se répètent, la vie s’écoule d’un être à l’autre, de l’hippopotame au lionceau et ses baisers goulus, mêlant beauté et laideur, tendresse et dégout dans une continuité sans heurts qui n’étonne que nous, humains, établis depuis pourtant si peu au sommet de la pyramide des ogres.

Aujourd’hui, je cède, avec humilité et une immense admiration, la place à Charles Baudelaire (1821- 1867)

 

« Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d’été si doux :
Au détour d’un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d’exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu’ensemble elle avait joint ;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s’épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l’herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s’élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l’eau courante et le vent,
Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d’un œil fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu’elle avait lâché.

– Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
À cette horrible infection,
Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés ! »

Photo : Régis Derimay

Challenge Kenya – Jour 13/30

Challenge Kenya : une image / un texte tous les jours pendants 30 jours

Le jabiru aurait pu être une cigogne. Plumage noir et blanc au contraste impeccable, distinction et élégance pour ce smoking de plumes qui tombe de façon parfaite. Veste sobrement noire, chemise immaculée qui ne laisse échapper que le cou long et fin. Pattes minces et déliées qui lui donnent un port majestueusement solennel, elles soulignent encore ses déplacements lents et mesurés, sa délicatesse. Jusqu’ici, le jabiru aurait pu être une cigogne. Et puis, on arrive à la tête. Là, il se distingue. Long bec solide recourbé vers le haut, rouge éclatant, point jaune citron, bande noire. Le jabiru est un mélange remarquable de sobriété et de fantaisie. L’artiste de la famille, un virtuose des écarts de tenue. Un poète.

Photo : Régis Derimay