Tous les articles par Juliette Derimay

Challenge Kenya – Jour 5/30

Challenge Kenya : une image / un texte tous les jours pendant 30 jours.

La brindille qui s’incline humblement devant la reine accompagne nos regards. C’est bien l’œil de Romy qui nous donne les clés. Par son éclat, sa brillance, sa lumière mais surtout sa couleur. Le vert. Le vert de cette forêt qui l’abrite, nourrit ses futures proies et la dérobe si bien aux regards des gêneurs. Feuilles, buissons et branches, répondent à son pelage, ses contours et ses formes. Elle se fond dans le vert sans être verte elle-même, mimétisme suprême. La forêt est en elle comme elle est dans son œil.

Photo : Régis Derimay

Challenge Kenya – Jour 4/30

Le challenge Kenya : une image / un texte, tous les jours pendant 30 jours.

Il semble presque perdu, ce tout petit oiseau au milieu des grandes herbes. Bouchon flottant au milieu des vagues de verdure. Pourtant, le roi de cette savane lacustre, loin des fauves rugissants et autres pachydermes, c’est lui, sans contestation. Il veille sur son royaume depuis son piédestal, reste à l’affut de tout, surtout au bord de l’eau. Sa majesté n’est pas dans sa taille, mais bien dans sa livrée. Couronne de plumes scintillantes, bec démesuré d’une couleur inexorable, plastron orange et veste bleue aux reflets de pourpre, barbiche et tempes blanches en gage de sa sagesse.  C’est bien lui le plus chatoyant et le plus éclairé qui fait de sa vitesse une arme redoutable et de sa petite taille son atout principal.

 

Photo : Régis Derimay

Challenge Kenya – Jour 3/30

Le challenge Kenya : une image / un texte tous les jours pendant 30 jours.

Elle regarde au loin pour donner le change, pour ne pas montrer qu’elle est terriblement déçue, que le festin dont elle se faisait par avance une fête ne ravira que ses yeux. Des feuilles appétissantes, bien vertes et croquantes, ses préférées. Hors de portée. L’arbre a beau incliner son long tronc à lui vers son long cou à elle, arabesques opposées faites pour se retrouver, courbe graphique parfaitement dessinée pour suggérer un œil attentif posé sur la savane, harmonie des couleurs, texture moelleuse du ciel et de ses nuages soyeux, beauté du lieu, tout ça s’efface devant sa déception.

Gourmandise…

Photo : Régis Derimay

Challenge Kenya – Jour 2/30

Le challenge Kenya : une image / un texte tous les jours pendant 30 jours.

C’est l’heure de la leçon, c’est lui le professeur. Il s’étire, il s’étend, s’allonge en s’ondulant. Tout son corps se module en hamac à nuages. Paisible et pédagogue il pointe sa docte trompe, vers les buissons tout proches. Entremêlement de branches, de tiges, de feuilles, d’épines et de rameaux, potelés, rondouillards et débonnaires, ils sont des refuges, des nurseries et des cachettes. Ils laissent aux jeunes arbres du temps pour bien grandir, protégés des quenottes de tous les herbivores. Leur ombre généreuse accueille les fatigués pour une sieste bienvenue, ils prodiguent un écran au chasseur embusqué et sont un repère précieux dans la marée des herbes de la savane immense. Humbles pachydermes végétaux, aujourd’hui les buissons rosissent d’être mis en valeur, magistralement, par ce jeune éléphant.

Photo : Régis Derimay

Papier

 

Brouillon de début de réflexion sur le papier, écrit sur un clavier, lu sur un écran.

Pour moi il y a plusieurs sortes de papier. Papiers à lire, papiers à écrire, papiers d’art, et puis les papiers obligés : factures, papiers d’identité, relevés divers, enveloppes, emballages…. Pour le vrai papier, ça commence comme une recette de soupe. Eau et plantes. Même quand on y met des chiffons, ils sont de coton ou de lin. Ensuite, comme pour la soupe, on peut rajouter d’autres ingrédients pour la couleur, la texture, la conservation… Mais très vite, la recette diffère de celle du potage : le papier doit chasser l’eau pour être du papier. Après séchage, le divorce est total, papier et eau deviennent ennemis mortels. Liens aussi forts et pas moins compliqués qu’entre le papier et celui qui y pose des signes ou qui y pose ses yeux. Ou qui fait les deux en prenant des notes pour lui-même. Maintenant on peut lire et écrire, regarder des images ailleurs que sur du papier. Écrans et claviers pourraient avantageusement le remplacer.  Moins lourd, moins lent, moins fragile, moins figé…. Pourtant, parfois… Nostalgie ? Manque de capacités d’adaptation ? Confort des habitudes ?  Besoin de faire participer les doigts ? le toucher ? l’odeur ? le bruit ? la couleur ou la teinte ? le corps ? Une fois passé du liquide au solide, le papier devient une affaire de peau, la sienne et la nôtre. De contact, de toucher, de caresse, de sensualité. De sens dans tous les sens de sens. Le papier fait le lien entre le corps et le reste. Il permet le passage des idées, d’une pensée à une autre, de l’invisible au visible. Et inversement. Mais il n’est pas un passeur neutre, il influence, oriente, biaise, va chercher la grand-mère derrière le vieux bouquin, le grenier derrière l’odeur de poussière, le papier brillant pour les magazines glacés, l’écolière derrière le papier « C à grain », le papier fin pour rapprocher la bible et la Pléiade. Papier d’emballage pour idées ? On le voit différemment s’il s’agit de lui confier quelque chose en y déposant de l’encre, s’il nous propose quelque chose par la lecture, exposé sur un mur, ou plié à la va-vite et glissé dans une poche qui lui donnera sa couleur, son odeur et qui confirmera ses plis jusqu’à la déchirure.

Le papier est un passeur.

Jusqu’au retour à la soupe originelle, quand la boulette mâchée termine dans le tuyau du Bic avant d’aller s’écraser sur le mur de la salle de classe ou quand retombe le couvercle du bac de recyclage.

Lire l’article publié sur le site Tiers Livre ici.

Challenge Kenya – Jour 1/30

Le challenge Kenya : une image / un texte tous les jours pendant 30 jours.
Challenge Kenya Jour 1/30

Le jour pourrait prendre la place de la nuit, tout simplement. 

Transition douce et fluide. Nuit noire, puis la lumière apparaît, dessinant quelques formes, avant de souligner les détails. Simplement. Mais certains autres matins, l’arrivée du jour se fait dans l’opulence du baroque. Fanfare de couleurs, les cuivres rugissent, tous les instruments jouent en même temps de leurs couleurs, symphonie de violets, de pourpre et de rouges, puis arrivent les orangers, les jaunes et les ors pour annoncer le bleu qui vient, en soliste, prendre toute la place dans le ciel, ne gardant à ses pieds que quelques petits nuages, adorateurs de l’astre, soumis et paisibles comme des agneaux. 

Chef d’orchestre droit et fier, l’arbre du matin se découpe sur l’aurore.

 

Photo : Régis Derimay