Archives mensuelles : janvier 2025

À voix haute

Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite

La voix. Son produit par la bouche et résultant de la vibration de la glotte sous la pression de l’air expiré. Des mots posés à plat sur le plan de la page, passer par la voix haute, occuper tout l’espace en le faisant vibrer, donner au texte lu une autre dimension, lui faire prendre les airs, décoller, s’envoler, et de bouche à oreille, toucher, peut-être changer la vie d’autres vivants. Avancer mot à mot comme on lit pas à pas, au rythme des syllabes comme le son du tambour dans les cérémonies et se laisser bercer, dorloter par les mots comme on écouterait le doux murmure des vagues, l’oreille au coquillage et le regard au loin. Alors, donner de la voix aux mots qui n’en ont pas, être la voix des livres pour qu’un unique lecteur puisse proposer les phrases à toutes les oreilles, là, à portée de voix. Alors en plus du texte on aura la musique, le rythme et le mouvement déposés sur la page par l’autrice ou l’auteur attentive, attentif à faire vivre les mots bien au-delà d’eux-mêmes. Échos, rimes, assonances, voire allitérations, tous les moyens sont bons pour prendre le lecteur dans les filets du verbe, l’ensorceler, l’amener à cheminer sans faute d’un paragraphe à l’autre d’un chapitre à un autre, jusqu’à ce que fin se lise ou seulement se devine dans une voix qui tombe, un silence encore plein du piano de la phrase. En lisant à voix haute, on fait vivre le texte au-delà du texte lui-même, lire et un peu jouer des ressorts de la voix, des ressorts de son corps, souligner de la main la pensée qui s’étire, laisser le temps aux oreilles de construire pour elles-mêmes le paysage lu, la scène imaginée, la joie du personnage ou son grand désespoir. Les mimiques, les regards, les pauses bien placées, le rythme des syllabes qui donne vie au suspense et précipitation à la séquence d’action fera battre les cœurs et sourire les oreilles, pleurer ceux qui écoutent juste comme l’espérait qui a écrit le texte en y mettant le ton. Alors aucun moyen de dire comme Racine, tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire, quand le texte est bien né et lu par une voix mise haute à son service