Éclipse

Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite

Au départ une éclipse est une histoire d’étoiles, de planètes, de très loin, aussi d’ombres, de lumières, de ces alignements qui font lever les yeux. Ensuite le quotidien en a fait son jouet, l’a mise au figuré. Maintenant on dit éclipse pour un oui, pour un non, pour un jeu de cache-cache, je te vois, moi non plus. Pour les amis qui partent et qu’ensuite on retrouve, pour les baisses passagères et les obscurcissements. Nos vies sont faites d’éclipses, juste de nos va-et-vient, de nos hésitations, de nos hauts et nos bas et de nos inconstances. Nous sommes aidés en ça par tout l’autour de nous, le soleil et la pluie, le vent, le calme plat, les saisons qui reviennent, le jour et puis la nuit, les nuages qui cachent les montagnes d’en face, mais laissent parfois passer quelques rayons quand même, éclipse dans l’éclipse. Nos souvenirs aussi s’éclipsent de temps à autre, on ne se souvient plus de ce jour, de ce lieu, ce visage ou ce nom, cette voix toujours si grave. On ne se souvient pas d’avoir jamais vu ça, si peu de neige en décembre. Parfois on a raison et parfois on retrouve par la couleur des chaises ou qu’on était en retard, la veste d’un ami, le bouquin qu’on lisait, cet instant de nos vies que l’on croyait perdu qu’on vient de retrouver dans un éclat de sourire, un, mais oui je me souviens, qui cache derrière lui un monceau de détails qui feront notre bonheur le temps des retrouvailles. Entre éclipse et oubli, les idées, les pensées se poussent et se bousculent, urgent et important en combat permanent. Parfois, l’éclipse sera bienvenue pour nous faire changer d’air, distraire un peu nos têtes avant de replonger. Dans l’éclipse rien de grave, rien de définitif, reste toujours l’espoir de se revoir un jour, comme un auteur s’éclipse entre deux nouveaux livres. Jusqu’à ce que l’éclipse devienne disparition, qu’il ne nous reste plus que des livres à relire et plus aucun espoir d’enfin se rencontrer, autour des mots, des phrases, de pouvoir dire en vrai d’une voix trop fragile, j’aime beaucoup ce que vous faites, en rêvant secrètement d’en discuter des heures
5 décembre 2024, décès de Jacques Roubaud

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4 réflexions sur « Éclipse »

  1. L’éclipse définitive, qui nous serre le cœur à jamais…oui…. Restent nos larmes, derrière les va et vient qui occupent nos vies…
    Merci Juliette ….

    1. oui, préférence aussi pour les éclipses non définitives… Restent les souvenirs, ne pas les laisser s’éclipser 😉

  2. Alors ce beau texte, entre tendresse et tristesse, est dédié à Jacques Roubaud … Merci pour lui, pour nous, de faire resurgir en nous la figure du poète. Oui le temps passe, porteur d’oubli -s-, mais quelque part en nous s’inscrivent tous ces moments de vie, de lectures qui forment notre être à tel point qu’ils le constituent solidement. Voilà pourquoi malgré les intermittences du cœur ou de la mémoire on n’oublie pas. Comme je ne t’oublie pas Juliette entre deux périodes de silence, et que je te retrouve de manière vivace à chaque fois et que oui j’aime tes textes. Tissé tes mots ma belle, toujours et toujours, bravo.

    1. Un grand merci pour ton soutien sans failles depuis… quelques années ;-). Mes mots te doivent beaucoup, souvenirs de FFM, ils font partie du socle

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