Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite
Un journal, des journaux. Pluriel un peu piégeur pour qui apprend la langue, mais pluriel de rigueur pour parler de la presse, même si ce pluriel-là n’est pour beaucoup qu’un rêve, lointain, inaccessible, un regret regrettable. Les journaux de la presse, infos et analyses disent le monde de tous, de loin et de très loin. Pour dire le monde de près, restent nos journaux à nous, l’intime et le public pour le public qu’on connaît et puis qui nous connaît. Ranger pour retrouver comme sur une étagère tout ce qu’on veut garder et puis qui reviendra quand on aura la date, quand on aura le jour, on retrouvera tout le reste. Dans ces journaux de près on dirait les saisons, les chaudes couleurs de feuilles quand l’automne est au frais, les nuages et les brumes, les lourds orages d’été, les oiseaux apprêtés en robes de printemps et l’odeur forte des arbres qui se couvrent de fleurs. Dans ces journaux de près on baisserait les yeux pour voir les champignons, les insectes élégants, les feuilles aux longues nervures, méandres, ou deltas et les pierres et les herbes qui entourent les ruisseaux, ces gamins tapageurs. Dans ces journaux de près, dire aussi les angoisses, le rire, les sentiments, les peurs ou les rêveries, les colères et les larmes, pas juste le où, le quand, avec qui et puis quoi. Laisser dans ce journal ce qui vit dans nos têtes, pour mieux s’y retrouver et se regarder mieux, avec l’œil qui convient, revenir sur l’avant. Dans les journaux des autres, retrouver un peu de soi, retrouver du pour soi qui aidera à aller où on voudrait aller et à y aller mieux. Dans les journaux des autres si ces autres-là écrivent, lire les mots qui racontent comment les mots se cardent, se filent et puis se tissent pour nous donner à lire de chaudes couvertures, ou des broderies si fines que chaque fois on y trouve des motifs différents qu’on ne distinguait pas juste au premier coup d’oeil. Les journaux d’écrivain·e·s sont tout remplis d’écrits qui parlent d’écriture à ceux qui veulent écrire ou juste savoir comment les mots viennent au papier
Dans ce journal de près on dirait… le plaisir de lire le journal de l’autre, l’émotion d’y découvrir un mode d’emploi à soi, l’angoisse du premier pas, la procrastination
Oui, tout ça et surement même un peu plus, de ce qu’on ne sait pas encore, mais qu’on saura un jour 😉