Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite
Contempler la surface, partir et revenir entre image et mirage, allers-retours timides de la lumière frileuse, ces jours de demi-jour, elle rechigne à passer de l’autre côté du lisse, l’autre côté du miroir. S’approcher prudemment, tâter du bout du pied, d’un orteil suspicieux, ne pas sauter le pas, jouer la réflexion, en mouvement naturel, réflexe immémorial, la lumière réfléchit. Elle revient en arrière, déviant juste ce qu’il faut, répondant angle pour angle, se ménageant le droit, dans certaines circonstances, de prendre la tangente. L’autre côté de l’eau reste opaque et secret. Mystère, monde parallèle, abîme opaque et sombre. Aller voir sans plonger, juste regarder de près, examiner aussi l’image réfléchie, bien voir tous les aspects, pour pouvoir décider en connaissance de cause, et puis de conséquences. Le tronc tombé dans l’eau raisonnera ainsi, jusqu’à ce que l’incident se fasse réfléchi, il se mirera dans l’onde. Sous la surface du lac vivent grenouilles et crapauds entre autres batraciens et bêtes résistantes aux sécheresses de l’été comme aux glaces de l’hiver. Ils vivent là sereins, cachés sous la façade, eux voient tout autrement le monde de la surface. Par exemple ces insectes aussi fins que légers, délicats comme des plumes, ils n’en voient que les pattes à peine effleurant l’eau juste de quoi construire une famille de cercles qui s’éloignent de leur centre, du ventre de leur naissance, brouillant les réflexions, effaçant les images que l’on s’était forgées comme autant de certitudes. Ne pas se laisser prendre aux images trop faciles quand le têtard, lui, sait très bien que le tronc, longue baleine échouée, ne fait sûrement pas d’angle aussi pointu qu’un pic quand il rencontre l’eau, mais continue sa route, toute droite et rectiligne jusqu’au fond de l’étang. Alors reprendre l’idée, changer de point de vue, réfléchir de nouveau aux mots qui conviendraient pour qu’ils soient les plus justes, creuser la réflexion, se construire comme réflexe que de faire réflexion de toute idée qui soit, et ne pas hésiter à y revenir encore, à réfléchir plus, à réfléchir mieux
Les réflexions nous entraînent dans d’autres réflexions, que la lecture du texte nous invite à prolonger.
Oui, réfléchissons, réfléchissons, surtout ne pas oublier de réfléchir !