Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite
Elle est rose, un peu mauve, dans un espace tout vert. Tout autour d’elle, des herbes, des tiges, des feuilles, des herbettes, du chiendent et du trèfle, mais aussi des orties, des ronces et de l’ivraie. En résumé, beaucoup de ces nombreuses plantes vertes qu’on appelle mauvaises herbes. Mais elle, elle est rose. Rose avec un peu de violet, du blanc et du vert, quand même, pour ses feuilles longues et fines. Mais surtout elle, elle a une gueule d’ange. Elle attire l’objectif des photographes des près. Grandes ailes déployées, deux yeux bruns et terribles qui te parlent juste à toi et même rien qu’à toi et une longue robe tachetée qui en fait un bijou, une star au sein des fleurs. L’orchidée. Au milieu de toutes les fleurs, l’orchidée est de celle que l’on admire le plus. Ses formes et ses couleurs, son inventivité, son maquillage d’insecte pour piéger les insectes, et sa ténacité pour revenir chaque année avec d’autres comme elle, chaque printemps de nouveau plus belle et plus pimpante, elle est haut sur la liste de nos fleurs préférées. Mais elle ne viendra là que si on ne la tond pas. Pas d’orchidée lovée au coin d’un stade de foot ou d’un gazon de parterre. Il faudrait pour cela éviter soigneusement de lui couper l’herbe sous le pied, il faudrait inventer une autre alternative pour faire du vert en ville, une autre espèce d’espace, pas uniquement vert. S’asseoir un jour d’été au milieu des feuilles vertes avec une feuille blanche et penser le dehors avec tous nos dedans remplis de connaissances, d’envies et de besoins. Partir de cette feuille blanche comme l’a fait Georges Perec et puis s’en éloigner, la voir dans une prairie pas seulement dans une chambre, et puis des arbres autour, une forêt comme immeuble, des ruisseaux, des vallons qui diraient la région et puis vu de plus haut on serait sur un nuage à l’échelle du pays, du continent, de la Terre et puis du grand espace. Juste réécrire l’histoire, avec du vert en plus, avec en plus les fleurs et pas juste leurs feuilles, une espèce d’espace vert qui ferait place à la vie, au-delà de la ville