Pour ne pas oublier tout ce qu’on oublie toujours, toujours un peu trop vite
Il fait froid. Il a fait froid toute la nuit, mais le petit jour qui vient pousse devant lui l’humide, cette peau un peu plus lourde qui fera la rosée, le givre et ses cristaux, le blanc, même sans la neige. Il n’y a pas de bascule, pas d’avant ni d’après, pas de couperet net. On est comme dans un sas ouvert de chaque côté, sans plafond ni plancher, sans aucun mur non plus. Une continuité qui va du sombre au clair, de la nuit jusqu’au jour. Il a suffi d’attendre. Mais sans résignation, sans penser à autre chose en soupirant très fort. Attendre avec patience, garder l’idée en tête, si proche de l’obsession, pour pouvoir profiter de chacune des étapes comme d’un instant unique, comme d’un instantané qui coulerait comme de l’eau, qu’on ne pourrait arrêter qu’en faisant une photo. Un présent continu, une attention flottante qui se laisserait aller, mais ferait quand même l’effort de rester en surface, ne pas se laisser couler. Une attention comme celle du félin affamé, qui reste sans bouger presque en éternité après avoir, quand même, vérifié plusieurs fois que dans ce terrier-là il n’y a qu’une sortie. Une attention qui serait celle du photographe qui attend immobile, une fois les réglages faits, que le nuage s’en aille, que la lumière se pose juste là où il faut et juste comme il faut, comme dans ses pensées. Une attention comme celle de qui voudrait écrire et cherche le mot juste dans tous les mots qui passent sans se laisser distraire, sans jamais se laisser entièrement détourner par tout ce dictionnaire qui vient vous tirailler, vous tirer par la manche pour vous faire dévier, vers le fade, le facile et choisir finalement un synonyme banal qui tiédirait le texte quand il mériterait bien une attente attentive, toute notre patience pour écrire comme il faut, juste le mot qu’il faut
Une attention comme celle du félin affamé, qui reste sans bouger presque en éternité après avoir, quand même, vérifié plusieurs fois que dans ce terrier-là il n’y a qu’une sortie. Bel instant
Merci !