Il était une fois... Dans cette série "carnets", toute l'histoire de "Voyage en Irréel", livre écrit à quatre mains avec Nicolas-Orillard-Demaire. Depuis avant l'idée jusqu'à après l'objet !
Images choisies, textes écrits, restait à s’attaquer à la face nord verglacée de la mise en page. L’ensemble se devait d’être visuellement harmonieux et esthétique, élégant mais pas maniéré, plus simplement, il fallait que ce soit irréel. C’est Nicolas qui s’en est chargé, pour ses compétences en esthétique du visuel, d’autant plus que lorsqu’il a commencé, les dernières modifications sur deux ou trois textes et l’ultime coup de plumeau sur les images étaient toujours en cours. Désormais, le travail se fait à trois. Nicolas et moi bien sûr, mais également Régis pour l’indispensable soutien technique. Changement de logiciel pour les textes afin que les corrections soient automatiquement intégrées au projet final, plus de rigueur dans les partages pour éviter les conflits de versions dans les documents sur lesquels on a pu travailler à plusieurs… Il a fallu mettre un peu de sérieux dans tout ça. Merci Régis.
Le fonctionnement mis en place, restaient de nombreux choix à faire, et donc à discuter. Le format du livre n’a pas été trop difficile à déterminer, on savait déjà qu’on souhaitait un livre à l’italienne et on avait une idée de la taille. Ensuite les contraintes techniques de l’imprimerie nous ont aidés à affiner les dimensions. Le livre allait être imprimé sur de grandes feuilles de papier, plusieurs pages sur une même feuille, il suffisait donc d’optimiser la taille des pages pour avoir le minimum de perte sur ces grandes surfaces. Résultat du calcul : 23,5 x 16,2 cm dans notre cas.
Le format de la page reste la donnée de base pour le logiciel de mise en page. On l’avait, on pouvait commencer. Ensuite venaient s’ajouter les marges, fonds perdus ou pas, césures, fontes proportionnelles ou pas, espaces au féminin, interlignes … et de nombreuses autres notions et termes qu’il a fallu apprivoiser. La mise en page, l’impression, la typographie ont leur vocabulaire spécifique, pas toujours intuitif mais potentiellement porteurs de conséquences lourdes sur le rendu final du livre. À ce moment-là de l’histoire du « Voyage en Irréel », Nicolas s’est nourri principalement de tutos pas toujours faciles à digérer et d’essais-erreurs aux résultats dans certains cas étonnants qui ont pu l’agacer… La mise en page est loin d’être aussi simple qu’on pourrait le penser quand on ne s’y est jamais réellement frotté.
Retour aux choix pour fixer le style des paragraphes. La police, la fonte, sans empattements, ou avec empattements triangulaires, rectangulaires, filiformes horizontaux, avec ou sans graisse, serif, tout un vocabulaire qui vous laisse les doigts tachés d’encre et la pensée émue pour le temps pas encore si éloigné des casiers remplis de petites lettres en plomb, un monde habité par les ours, pressiers et autres singes surveillés par un naïf comme le rappelle Balzac au début des « Illusions perdues ». Pour nous il fallait une fonte originale, mais pas dérangeante, facile à lire mais pas banale et aussi bien en majuscules qu’en minuscules. Finalement, ce sera la même fonte que pour le précédent livre de Nicolas, Gaïa, ce qui permet de rajouter un lien, de la cohérence entre les ouvrages du même auteur.
Dans ce voyage, l’idée n’était pas aux chapitres. Un chapitre lac, un chapitre forêts, un chapitre levers puis couchers de soleil… Non. Pas géographique non plus, évidemment. Un voyage en irréel se devait d’abandonner la logique des déplacements terrestres, celle des cartes et des itinéraires, que chaque double page soit un voyage en soi, un dépaysement par rapport au précédent comme au suivant. Une surprise à chaque fois. Images et ambiances différentes donc, mais pour les textes aussi, dans l’idée comme dans la forme. Sauf cas particulier (poèmes, idées qui s’opposent, nombre de lignes décroissant pour chaque paragraphe ou idées à séparer), j’ai souvent tendance à écrire des blocs de textes, l’idée étant d’y rentrer comme on pénètre dans une forêt ou une grotte pour y trouver un univers particulier, une ambiance spéciale dont le charme serait rompu par l’arrivée d’une immense clairière ou d’un saut de paragraphe. Mais cette façon d’agencer les mots peut aussi paraitre hostile, rebuter par son aspect de pavé indigeste, un hérisson rétif qu’on hésiterait à aborder. Discussions donc, compromis et finalement découpages. Toujours pour mes textes, travail de repérage aussi, de mes tics et ronronnements d’écriture, afin de pouvoir ensuite les disperser dans le livre et les rendre moins visibles. Je n’ai pas facilité la tâche à Nicolas qui devait aussi jongler avec les couleurs, les ambiances, les lieux et les formats pour assurer la diversité sans tomber dans l’éparpillement.
À énumérer les contraintes et difficultés, je me rends compte que nous avons fonctionné de façon remarquablement fluide où il y aurait eu matière à conflits, oppositions de principe, blocages, voire étripages ou claquements de portes. Il n’en a rien été. Entre confinement, contraintes personnelles ou professionnelles et éloignement géographique, nous ne nous sommes pas vus une seule fois « en vrai » durant toute la conception et la réalisation du livre. À part quelques coups de téléphone pour les sujets urgents ou à discuter en détail, nous avons surtout utilisé les messageries pour communiquer. Peut-être que le fait de formuler ses questions et remarques par écrit aide à la modération et à la réflexion ? Le miracle de l’écriture ? On aimerait croire qu’on lui doit tout, mais la réalité m’oblige à avouer que, tout simplement, loin des rebondissements qui auraient pu garnir les pages d’un bon polar, nous avons continué à bien nous entendre tout a long de ce travail, comme avant et comme après d’ailleurs…
Rappels :
Pour d’autres images de Nicolas : http://nod-photography.com
Et pour commander le livre « Voyage en Irréel » : https://spoteditions.sumup.link